Il ruolo della religione secondo Henri Bergson

Pour prendre un autre exemple, le philosophe Henri Bergson fait la même distinction, mais d'une manière différente, entre les deux modes de pensée et les deux comportements, l'un étant religieux, l'autre scientifique. Étudions-les dans leur application et ne nous laissons pas égarer par Lévy-Bruhl en nous imaginant que l'homme primitif explique les effets physiques par des causes mystiques ; il explique leur signification humaine, la signification qu'ils ont pour lui. La différence entre les sauvages et nous-mêmes tient simplement au fait que nous avons plus de connaissances scientifiques qu'eux: «Ils ignorent ce que nous avons appris»².

Ces commentaires présents à l'esprit, examinons la thèse principale de Bergson. La société et la culture, dit-il, sont au service de la biologie et les deux types de fonction mentale servent la biologie de différentes manières et sont complémentaires. Il y a deux sortes d'expérience religieuse, la religion statique qui est celle de la société fermée, et la religion dynamique ou mystique (au sens individualiste de ce terme dans les écrits historiques et les études comparées de la religion, et non au sens où Lévy-Bruhl l'emploie). La première est, bien entendu, caractéristique des sociétés primitives. Or, l'évolution biologique, au point de vue de la structure et de l'organisation, suit deux directions: l'une tend à là perfection de l'instinct dans tout le règne animal, l'homme excepté, l'autre à la perfection de l'intelligence de l'espèce humaine. L'intelligence a ses avantages et ses désavantages. A la différence des animaux, l'homme primitif prévoit les difficultés et redoute de ne pouvoir les surmonter. Mais il est obligé d'agir. Il sait qu'il mourra un jour, et ce sentiment d'impuissance inhibe l'action et met la vie en péril. La réflexion, pâle reflet de la pensée, présente un autre danger. Les sociétés durent parce que leurs membres sont liés par une obligation morale; mais l'individu peut fort bien, par son intelligence, arriver à se dire que ses propres intérêts égoïstes ont la priorité, qu'ils soient ou non incompatibles avec le bien général.

Face à ces dilemmes, la nature (ces réifications abondent dans l'oeuvre de Bergson) opère une sorte d'accommodation pour redonner confiance à l'homme et lui imposer son sacrifice, en faisant appel aux profondeurs de l'instinct qui sont enfouies derrière l'intelligence. La nature utilise l'aptitude de l'être humain à fabriquer des mythes, pour endormir son intelligence sans toutefois la détruire. De là naissent la magie et la religion, entremêlées au début et qui, par la suite, vont chacune son chemin. Elles remédient à la mise en sommeil de l'intelligence et permettent à l'homme qui voit des forces imaginaires dans la nature, ou fait appel à des esprits qu'il invente, de poursuivre son but; elles l'obligent aussi à oublier ses intérêts égoïstes pour satisfaire à l'intérêt commun et à se soumettre, grâce aux tabous, à la discipline sociale. Ce que l'instinct accomplit pour les animaux, la religion raccomplit pour l'homme, elle vient au secours de son intelligence en lui fournissant dans les situations critiques des représentations spirituelles. La religion n'est donc pas, comme certains le croient, un produit de la peur, mais une garantie et une assurance contre la peur. Finalement, c'est un produit de l'instinct, une impulsion vitale qui, combinée à l'intelligence, assure à l'homme sa survivance et lui permet d'atteindre dans son évolution ascendante les plus hautes cimes. C'est, dit Bergson, «une réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence»³. Étant donné que ces fonctions de la religion, quelles que soient les constructions extravagantes de l'imagination auxquelles elle donne lieu, n'étant pas ancrées dans la réalité, sont essentielles à la survivance de l'individu et de la société, ne nous étonnons pas que certaines sociétés ne possèdent ni science, ni art, ni philosophie, mais qu'il n'en existe aucune qui n'ait pas de religion. «La religion étant coexistante avec l'espèce humaine doit faire partie de notre structure»⁴.

Bergson utilise des sources d'information indirectes, particulièrement les ouvrages de Lévy-Bruhl, lorsqu'il traite des idées primitives dans les sociétés contemporaines simples, mais pour lui l'homme primitif est un être préhistorique et hypothétique, un moyen dialectique qui lui permet d'insister sur le contraste qu'offrent la religion statique de la société fermée et la religion mystique de la société ouverte de l'avenir, que son imagination, guidée par son expérience religieuse personnelle, se plait à entrevoir.

Vous avez pu remarquer que, d'une manière très générale, «l'instinct» chez Bergson correspond aux «résidus non-logico-expérimentaux» de Pareto, et au «prélogique» de Lévy-Bruhl - et que «l'intelligence», chez Bergson, correspond au «logico-expérimental» de Pareto, à la «logique» de Lévy-Bruhl, et que le problème, vu par Pareto et par Bergson, est sensiblement le même, bien que leurs points de vue divergent. On peut enfin observer que tous trois disent à peu près la même chose au sujet du caractère de l'irrationnel, mais parlent fort peu du rationnel; par conséquent on ne sait pas bien en quoi consiste le contraste.

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¹ Traité de sociologie, op. cit.
² Bergson, Les deux sources.... op. cit.
³ Op. cit.
⁴ Ibid.


E.E. Evans-Pritchard, La religion des primitives à travers les théories des anthropologues, Petite Bibliothèque Payot, 1965, pp. 83-84 (riferite all'edizione elettronica in formato pdf da me posseduta e liberamente scaricabile in rete).

Commenti

  1. Questa idea di Bergson che la religone sarebbe una "réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence" ricorda molto le riflessioni analoghe di Leopardi sul potere irriducibile delle illusioni (potere che egli stesso rilevava su di sé), così come ricorda le considerazioni di Le Bon sulle credenze, già citate in questo blog. Ma anche le più recenti ricerche di tipo evoluzionistico ci mettono in guardia su questa irriducibile tendenza umana a deviare dalla retta via del pensiero razionale-scientifico.

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