L'affermazione del cristianesimo e l'inizio delle persecuzioni contro i pagani

Appuyée sur l'État, disposant de l'État, l'Église deviendra avec une extrême rapidité intolérante et persécutrice. A partir de Théodose, les païens sont traqués. Le retour au paganisme ou au judaïsme est puni par Gratien et Théodose en mai 381 et 383 (Cod. Théodos., XVI, 7, I et 3), l'orthodoxie romaine imposée « à tous les peuples que régit notre clémence » le 28 février 380. L'hérésie est assimilée au crime, le schisme de même, sous Honorius. L'exile ne suffira plus; contre les dissidents même chrétiens, on usera de la torture e des supplices.

Enfin l'Église chrétienne luttera contre toute opinion indépendante. Elle voudra tuer toute pensée libre, et il est presque incompréhensible  qu'elle n'ait pas réussi.

Le concours de l'État, l'Église doit le payer en se soumettant à l'État. Dès le concile d'Arles (août 314), elle offre d'excommunier ceux qui se refusent au service militaire. De la à l'approbation des fautes et des crimes de l'État, il n'y a qu'un pas, trop vite franchi.

L'Église s'accoutume à user du bras séculier pour les conversions. Elle se rouille et perd son pouvoir d'assimilation. La propagande personnelle s'arrêtera dès le Ve siècle environ. Désormais le christianisme ne cherchera à faire des recrues qu'en captant la confiance des rois barbares et de leur entourage; une fois le rois acquis, on se sert de lui pour imposer la foi à ses sujets par une pression douce ou violente.

Et puis la victoire fut trop rapide, trop complète. Ces troupeaux de païens, Romains, puis Barbares, poussés de gré ou de force dans le giron de l'Église, ont dégradé et alteré le sentiment chrétien. Ces foules ont subrepticement réintroduit les superstitions et le polythéisme dans le christianisme qui en avait horreur. Non pas que le culte des saints soit le culte des dieux déguisé sous un nouveau nom. Les examples à l'appui sont rares, sans grande portée; les faits de substitution ont dû se produire à l'insu du clergé, qui flairait d'un odorat subtil tout relent païen. Mais ces masses trop vite converties apportèrent à l'Église des coeurs insuffisamment purifiés, où les germes païens, mal étouffées, reprirent vigueur. Le paganisme est la mauvaise herbe qui repousse sans cesse dans le catholicisme.

Devenue majorité, la societé chrétienne voit tomber le niveau de sa moralité. L'Église, immensément élargie, ne peut plus demeurer la societé des purs, des saints, qui attendent dans le tremblement et les mortifications la fin des temps. Identifiée, ou presque, au « Monde », l'Église subit profondément l'influence dégradante de la vie, chose fatale, le siècle etant le mal. Pour y échapper, une seule voie de recours: vivre en dehors du monde, artificiellement, en cherchant le désert ou la solitude, en se cloîtrant seul (réclusion) ou collectivement (monastère). Ce n'est pas pur hazard que l'ascétisme érémitique puis monacale apparaisse, au moment même du triomphe de l'Église, d'abord en Orient.

Mal accueilli en Occident, l'ascétisme s'impose aux Ve et VIe siècles d'une manière irrésistible. Le monastère apparaît comme le seul moyen de réaliser la vie chrétienne, ce dont le monde n'est plus capable; le couvent est le seul royaume de Dieu possible sur cette terre. Désormais, « entrer en religion » voudra dire renoncer à vivre de la vie de ce monde. Il s'établira un dualisme, une opposition même, entre la vie religieuse et la vie sociale. 

Contrecoup fatal, le monde se sentira irrémédiablement mauvais, impuissant contre le forces du mal. Il s'en remettra aux solitaires, aux saints - ils remplacent les martyrs depuis que les persécutions ont cessé, - du soin d'intercéder pour eux auprès de la divinité. Confiant, le monde se déchargera sur eux du fardeau de la vertu et se résignera vite à vivre d'une vie chrétienne médiocre, très médiocre. Sa sévérité se reportera toute sur les saints (moines, évêques). A leur égard, la vénération est exigeante et soupçonneuse. Plus les hommes sont mauvais, plus ils sont de rigoureux gardiens de la vertu des pasteurs. C'est que cette vertu est la sauvegarde du pécheur; elle seule arrête les écluses de la colère divine perpétuellement suspendue sur un monde mauvais. Tout n'est donc pas faux dans l'aphorisme pessimiste de Renan que le « christianisme sombra dans sa victoire »

Conclusion: si l'État romain a fait un marché de dupe, de son côté l'Église, tout en réalisant un gros profit matériel, a éprouvé des pertes spirituelles effrayantes.

Alors pourquoi cette union? Ne peut-on imaginer qu'il eût mieux valu pour les deux conjoints malheureux ne plus s'unir? Rêvons...

L'État renonce aux persécutions, mais reste impartial, neutre. Il ne se laisse pas entraîner dans le tourbillion des controverses. Il se borne à faire sa besogne de policier, à empêcher le gens de s'entre-tuer.

L'Église, ne comptant que sur ses forces morales et sur les interventions surnaturelles, n'oblige pas par la force le païens à déserter le temple pour la basilique, ne persécutes pas les dissidents. Elle reste une minorité. Elle ne devient une majorité qu'au prix d'une libre propagande. Cela lui demande quelques siècles de plus, mais n'est-ce pas préférable au danger d'être envahie par des demi-païens ou des demi-orthodoxes? D'ailleurs, ètait-il bon d'user le meilleur de ses forces à la poursuite d'une dogmatique rigoureuse, au risque de négliger les sources profondes de la vie religieuse qui s'alimentent de sentiments et non de formules métaphisiques?

Cette vue est chimérique parce qu'elle est toute moderne.

Toute Église est conquérante par nature, parce qu'elle se croit en possession de l'absolu. L'Église chrétienne ne pouvait pas « laisser la lumière sous le boisseau ». La propagande est une nécessité vitale. La propagande par la force est un écueil, mais vraiment fatal. Aucune doctrine ne peut échapper à cette fascination. Le respect des convictions adverses et la tolérance moderne sont le fruit, et chez un petit nombre, du développement de la conscience ou de la conviction que la croyance à l'absolu est une maladie de l'esprit, chez la plupart des hommes le résultat d'une grande lassitude. Encore peut-on constater que, si peu que le forces se réparent, l'intolérance reprend sa virulence.


Ferdinand Lot, La fin du monde antique et le début du Moyen Âge, Albin Michel, 1989 (ed. or. 1927), pp. 60-63 [ho omesso tutte le note].

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