Il capro espiatorio nella Grecia antica

L'inquiétude a son expression religieuse. Nous savons combien la préoccupation de la souillure a pu peser sur les esprits du temps. La souillure collective est l'object d'une véritable hantise. Cylon d'Athènes ayant été bloqué sur l'Acropole après sa tentative manquée de tyrannie, ses compagnons, réfugiés en suppliants près des autels, furent massacrés: pendant plusieurs générations, Athènes fut obsédée par ce sacrilège. Le génos des Alcméonides, à qui en incombait la responsabilité, fut banni à plus reprises; par deux fois, ses morts furent déterrés et expulsés du sol national. C'est aussi pour remédier à cette souillure, disait-on, qu'Épiménide, vers l'époque de Solon, fut mandé par Athènes. Personnalité historique de bonne heure noyée dans la légende, exemplaire tardif d'une espèce que nous connaissons, Épiménide était de Crète, patrie traditionnelle des purifications. Il sut ramener le calme en faisant immoler, un peu partout, des brebis blanches et des brebis noirs et, peut-être, par le sacrifice expiatoire de deux victimes humaines qui se seraient dévouée. - Dans le souvenir un peu obnubilé qu'on garda de ce temps, les sociétés requièrent, pour elles-mêmes, les pratiques purificatoires; c'est aux cités qu'elles sont conseillées par les oracles.

Même une fois apaisés, les sentiments extrêmes laissent leur marque sur la conscience commune: quand la cité aura trouvé son équilibre, les purifications collectives tiendront une large place dans sa conduite religieuse. Le souvenir de cette inquiétude explique, pour une part, certains archaîsmes du rituel, à l'âge classique: survivances d'un vieux fonds, héritage des cultes agraires que la cité s'est appropriés, c'est à un besoin obsédant qu'ils ont dû de survivre avec un tel éclat. À Athènes, le 6 du mois Thargélion, deux hommes désignés comme pharmakoi, c'est à-dire comme moyen de purification, étaient promenés à travers la ville dont ils étaient censés charrier les impuretés: ils jouent le rôle de boucs émissaires; comme tels, ils ont dû, longtemps du moins, être mis à mort, et si le rite s'est adouci à lépoque classique - ce qui n'est pas sûre du tout - ce fut certainement assez tard. Des cérémonies semblables sont attestées ailleurs: par la quasi-identité de celles d'Athènes et d'Ionie, il apparâit qu'elles dérivent de pratiques communes, antérieures à la colonisation de l'Asie. Il est curieux que ce rite ait conservé sa vitalité et peut-être renouvelé ses vertus dans le moment où la cité s'instituait. Le sacrifice humaine des deux pharmakoi lui appartenait-il de tout temps? Il ne fait pas l'effet d'une pratique populaire primitive; en revanche, il fait penser aux deux victimes qu'aurait obtenues Épiménide.

 

Louis Gernet - André Boulanger, Le génie grec dans la religion, Albin Michel, 1970 (1932), pp. 135-136 [ho omesso le note]. 

Commenti